Comment apprendre à dire non
Non... un mot qui reste parfois sur le bout de la langue par peur de déplaire ou de vexer l'autre. Pourtant utiliser la négation à bon escient est un puissant outil d'affirmation de soi. Décryptage et conseils libérateurs avec Xavier Cornette de Saint Cyr, coach et formateur en intelligence relationnelle, psychopraticien.
"N...Non". Cet adverbe s'avère extrêmement difficile à prononcer chez certaines personnes qui assimilent presque la négation à une forme de rébellion dangereuse, culpabilisante voire outrecuidante. Pourtant, dire toujours "oui" peut aller à l'encontre de sa nature profonde et contredire son intériorité. Pourquoi est-il bon de savoir répondre négativement sans hésiter et de manière raisonnée ? Comment formuler son "non" sans culpabiliser ? Xavier Cornette de Saint Cyr, psychopraticien, coach et formateur en intelligence relationnelle, nous souffle les réponses.
DIRE NON, POURQUOI C'EST SI COMPLIQUÉ ?
: "C'est bizarre parce que c'est un des mots les plus simples qui soient mais l'un des plus difficiles à prononcer. En général, cette difficulté à l'exprimer cache une peur. Peur d'être désagréable, de ne pas être apprécié, de froisser l'autre... Beaucoup de peurs se mélangent et expliquent qu'il peut être compliqué de dire non.Certains supposent que s'affirmer en disant non revient à exprimer de l'agressivité. C'est faux, on n'est pas obligé de répondre aux besoins de l'autre si cela va à l'encontre de nos propres besoins.
QUEL EST LE RISQUE DE NE PAS OSER DIRE NON ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : Qu'il s'agisse du milieu professionnel ou relationnel, dire oui à tout ce qu'on nous demande faire courir le risque d'être considéré comme "la personne trop gentille" à qui l'on peut tout demander. On peut également se mettre en dépendance des besoins de l'autre. Cette incapacité à dire non génère des tas de malentendus et des difficultés relationnelles. Une personne qui n'oppose jamais de refus risque d'aller à l'encontre de ses propres intérêts et de ses besoins. Cette situation va générer des émotions négatives et créer du ressentiment envers l'autre. Autrement dit, on en veut à l'autre car il nous demande quelque chose qui va à l'encontre de notre intérêt et on s'en veut car on n'a pas osé refuser. Autre risque à ne pas écarter, celui de se faire manipuler. Une personne trop gentille sera la proie facile des manipulateurs qui pourront facilement obtenir ce qu'ils souhaitent.
L'INCAPACITÉ À DIRE NON EST-ELLE LIÉE À UN DÉFAUT D'AFFIRMATION DE SOI ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : Oui, savoir dire non à bon escient est une manière d'affirmer quels sont nos intérêts et nos besoins et de les respecter. Avec une affirmation de soi correcte, on est capable de répondre non à une demande lorsqu'on ne peut pas la satisfaire. En revanche, un manque de confiance en soi peut donner des valses-hésitations et des réponses peu assurées avec des "peut-être". Attention à ne pas tomber dans l'excès inverse, c'est-à-dire d'opposer un refus systématique à toute demande. La négation systématique et sans argumentation ne présente aucun intérêt et ferme tout dialogue. Cette posture peut entraîner à la longue de l'agressivité chez l'autre.
COMMENT APPRENDRE À DIRE NON DE MANIÈRE RAISONNÉE?
Xavier Cornette de Saint Cyr : Avant tout, il est nécessaire de bien comprendre la demande avant de donner sa réponse, positive ou négative. Pour cela il s'agit de prendre en compte les besoins de l'interlocuteur et les siens. Un exemple : notre employeur nous demande de terminer un dossier qu'il n'a pas pu boucler mais nous avons un temps très limité pour le faire. Avant de répondre oui ou non, on veille à comprendre ce qu'on nous demande, ce que ça implique, ce que ça suppose comme investissement. On n'hésite pas à demander des clarifications et des explications si la demande n'est pas claire. Si au final cela nous coûte énormément en terme d'investissement, d'énergie, de travail ou d'émotions, répondre à l'affirmative devient problématique.
COMMENT RÉAGIR DANS LE CAS OÙ ON NE PEUT PAS RÉPONDRE IMMÉDIATEMENT PAR OUI OU NON ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : Pour analyser les enjeux de la demande, temporiser est souvent une bonne stratégie, surtout dans le milieu professionnel. Par exemple, si on n'a pas le temps de réfléchir à la demande de notre employeur car on est absorbé par une tâche, temporiser permet de ne pas exprimer son désaccord tout en prenant le temps d'intégrer la demande. On peut répondre par exemple "écoute je ne peux pas te répondre tout de suite, je regarde ça et je te donne ma réponse, cet après-midi ou demain". Cela évite de répondre dans la précipitation et sous le coup de l'émotion (stress ou peur par exemple) et permet de digérer la réponse, de savoir ce que l'on veut, de réfléchir à ce que cette demande implique et si elle respecte nos besoins. On peut ainsi donner une réponse mesurée avec des émotions apaisées. C'est une bonne technique pour ceux qui ne sont pas sûrs de comprendre ce qu'on demande et ceux qui ont peur de dire non.
COMMENT VAINCRE LA PEUR DE DIRE NON ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : On a tendance à faire des suppositions à toute vitesse, mais la plupart du temps nos pronostics sont basés sur des peurs infondées. "Si je dis non, il va m'arriver ceci", "Je crains qu'elle me fasse la tête", "je crains d'être licencié, etc.". Là aussi, temporiser va aider à réfléchir de manière raisonnée et à faire retomber les émotions. On respire, on relativise et on se pose la question : "quels sont les risques à répondre non ?"
Chez certaines personnes, cette peur de dire non est trop enfouie au point de paralyser le libre arbitre. Dans ce cas, se tourner vers un thérapeute peut être très salvateur.
COMMENT FORMULER CE "NON" ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : Le "non" doit être clair, précis et argumenté. Les explications doivent être très simples et non alambiquées pour éviter que l'interlocuteur n'insiste. On n'hésite pas à exposer la raison pour laquelle la demande nous met en difficulté. Par exemple : "Je n'ai pas le temps de finir ce dossier parce que je suis sur un autre dossier urgent".
Dans certains cas, si on nous demande pourquoi on refuse, on peut faire un petit mensonge sans conséquence qui concilie tout le monde sans froisser personne. Par exemple "je ne peux pas venir au déjeuner de la tante Sophie car j'ai un déplacement professionnel".
-Une autre technique parfois proposée est celle du "disque rayé". On répète le "non" de manière ferme et catégorique et sans équivoque. "Ma réponse est non, comme je te l'ait dit c'est non". Cette astuce n'est pas forcément facile à mettre en pratique. A utiliser si on se sent à l'aise et qu'on expose calmement et clairement son non. Autrement elle peut mener à un énervement du type : "Ecoute ça fait 50 fois que je te dis non..."
COMMENT PARER AUX ÉVENTUELS REPROCHES ?
Xavier Cornette de Saint Cyr : En disant non, certaines formules "classiques" reviennent souvent chez notre interlocuteur comme "on ne peut pas compter sur toi", ou "après tout ce que j'ai fait pour toi tu oses me dire non". Dans ce cas de figure, il convient de recadrer ces culpabilisations en revenant sur l'objet de la demande. Exemple : "la question n'est pas ce que j'ai fait pour toi, mais maintenant je ne peux pas répondre à ta demande précise parce que ..."
On peut aussi exprimer ce qu'on ressent en utilisant des outils inspirés de la communication non violente (CNV). On parlera plutôt de soi, son ressenti, sans blâmer l'autre en utilisant le "tu" car il peut se sentir agressé et "contre-attaquer". Dans ce cas l'échange tourne rapidement à la dispute.
Exemple : dire plutôt "votre demande me met en difficulté parce que" et non "votre demande est agaçante".
ET SI L'INTERLOCUTEUR INSISTE MALGRÉ NOTRE REFUS?
Xavier Cornette de Saint Cyr : -Si l'interlocuteur insiste, il ne respecte pas nos besoins. Dans ce cas on fait appel aux émotions devant cette insistance : "je suis désolée que tu insistes mais ma réponse est non" ou "Je vois que tu es déçu mais je ne peux pas faire ça".
-Une autre stratégie consiste à mettre fin à l'échange de manière plus abrupte. Exemple au travail : "Ma réponse est non" et on se repenche sur son ordinateur.
-Une dernière astuce, plus "douce" et efficace dans le milieu professionnel, est de changer de sujet de conversation. Exemple : "Comme je vous l'ai dit ma réponse est non. D'ailleurs à propos, on en est où sur ce dossier ?"