S'ouvrir au beau.
six attitudes pour cultiver le plaisir
Nous pouvons tous nous réjouir au quotidien, à travers les actes les plus simples. Des thérapeutes et des philosophes nous proposent six façons de répondre « présent » au meilleur de la vie et de développer notre sensation de bien-être.
« Chez les Indiens Navajos, le même concept, hozho, signifie beauté et bonne santé. Car la beauté fait du bien ! Pour profiter de ses bienfaits, la première règle est “d’absorber” : au lieu de consommer du laid, consommer du beau. Le choix de notre environnement est essentiel et le meilleur d’entre eux est la nature. À condition de ne rien y faire : juste se tenir là et absorber la lumière de la beauté. À défaut d’être dans la nature, nous pouvons nous créer un bel environnement, mettre de la couleur, des tableaux qui nous plaisent… et éviter, par exemple, de regarder des émissions qui heurtent l’oeil ! Le yoga de l’art, lui, permet d’accéder à un espace de beauté qui se trouve à l’intérieur de nous. Cela passe par un travail de relaxation profonde tiré du yoga-nidra. Grâce à un exercice dirigé de visualisation, je propose à chacun de se faire un “beau film”. Par exemple, se projeter dans un champ de coquelicots ensoleillé : c’est aussi bénéfique que s’y trouver réellement. L’étape suivante consiste à traduire cette sensation en peinture. De grands jets de jaune avec des taches rouges éparses peuvent suffire ! Créer cette image reproduit en nous les sensations de bien-être nées lors de sa visualisation. Enfin, accrocher ce tableau chez soi ou au bureau et le regarder régulièrement avec attention permet de retrouver l’état de plaisir initial. »
Ralentir
« En allant trop vite, nous nous privons du plaisir ! Notre mode de vie actuel nous entraîne dans une roue du temps qui s’accélère de plus en plus. Tout le monde le ressent et en souffre, avec l’angoisse sourde de la compétition permanente et du “peut mieux faire”. Aussi, s’entraîner à la lenteur est d’abord un grand soulagement. Chacun de nous peut s’exercer sans passer par une pratique formelle de la méditation. C’est, par exemple, profiter du temps passé dans le métro pour ralentir ses mouvements, être attentif à ce qui se passe dans son corps, observer les autres. C’est aussi marcher lentement, très lentement, et regarder autour de soi, puis s’arrêter sur un détail pour l’observer. Cet arrêt “actif” provoque un état méditatif qui peut donner un plaisir intense. Semblable à l’émerveillement de l’enfant, capable de s’attarder un long moment pour observer une simple brindille. Sans se soucier du temps qui passe. »
« Nous faisons plus que manger : nous incorporons une nourriture avec le goût, bien sûr, mais aussi avec la vue, l’odorat, le toucher et l’ouïe. Cette mise en jeu des cinq sens nous permet d’atteindre une certaine plénitude. Ce vrai plaisir, c’est le “plein contact” cher à la gestalt – un moment de rencontre, de présence, d’ouverture, d’authenticité, où l’émotion, la perception et le mouvement se rejoignent. Cette “incorporation”est sans doute la relation la plus intime, après celle que nous avons eue avec notre mère. Comment savourer réellement ? Il suffit de faire un exercice avec un fruit, par exemple : le porter à notre bouche et observer ce qui se passe en nous-même, si tous nos sens sont en éveil, s’ils s’accordent, et de quelle façon… Cette expérience permet non seulement de développer le plaisir des sens, mais aussi d’être véritablement en contact avec soi-même. »
Etre sensuel
« Prenez juste cinq minutes pour faire l’expérience de la sensualité consciente, et vous verrez à quel point la vie quotidienne moderne nous fait oublier le pouvoir des gestes les plus simples. Il suffit que, sans prévenir votre partenaire, vous lui fassiez une légère caresse, un effleurement, ou même que vous posiez délicatement le bout de vos doigts sur sa main, sur son cou ou son épaule. Mais il s’agit d’effectuer votre geste très lentement, en silence, en toute conscience, en prêtant attention à vos sensations et surtout, dans le “moment présent”, c’est-à-dire sans rien anticiper ni attendre. Vous éprouverez alors une sensation que vous n’avez peut-être plus ressentie depuis longtemps : être totalement vous-même, dans le plaisir. Le tantra n’est pas, comme certains l’imaginent, une technique de sexualité débridée. C’est une méthode qui donne des outils extraordinaires non seulement pour rencontrer réellement son partenaire, mais aussi pour renouer avec sa propre sensualité. Car les échanges sensuels sont bien souvent étouffés par la routine, et les rencontres sont chargées du poids de l’histoire du couple, de l’histoire et de la psychologie de chacun, des problèmes personnels, familiaux… Dans mes stages, je demande aux participants venus en couple d’imaginer qu’ils se rencontrent pour la première fois, d’oublier complètement leur relation. Ils se retrouvent alors devant la page blanche du moment présent et peuvent provoquer une véritable rencontre d’être à être. Car, dans cet instant, chacun est au centre de soi. Et chaque instant est nouveau ! »
Agir avec courage
« L’appétit de vivre n’est pas spontané : il se nourrit des actes que nous accomplissons, des postures morales que nous tenons face au monde. Si, chaque jour, nous renonçons à certains de nos désirs, si nous démissionnons par rapport au sujet que nous sommes et par rapport à notre singularité, en un mot, si nous faisons le pari de la lâcheté plutôt que celui du courage, nous alimentons un déplaisir absolu de la vie. Mais comment trouver ce courage ? Déjà, il faut le vouloir, placer toute sa volonté de son côté. Ensuite, il s’agit de repérer ces petites lâchetés que nous avons tendance à répéter, ces projets que nous gardons à l’état de rêves… et agir. Assumer jusqu’au bout nos envies, nos besoins, nos engagements. Il y a mille façons de s’y prendre au quotidien. Un jour, ce sera s’investir dans une cause qui nous touche depuis toujours. Un autre, reconnaître que nous allons depuis des années au bureau en traînant des pieds, que nous nous y sentons dévalorisé, malheureux, et dire : “Ça suffit !” Alors, plutôt que de nous enfermer dans des imaginaires du pire, tels que notre société les favorise – peur du chômage, de l’insécurité… –, le courage nous oblige à croire en nous, en nos talents, en notre désir et aux plaisirs que la vie rend possibles. »
Trouver des blagues
« Voir la vie avec humour, ne rien prendre au sérieux : c’est un moyen efficace pour réduire l’anxiété et s’amuser. Élaborer des blagues et des concepts philosophiques est du même ordre : cela chatouille l’esprit, bouscule nos idées, met nos mondes sens dessus dessous et sort les vérités cachées. Vous rétorquerez sans doute que la vie et plus particulièrement la mort sont des affaires trop sérieuses, auxquelles chacun doit se confronter. Certes. Mais cela n’empêche pas qu’il y ait une bonne blague dans toute situation. Il suffit de la débusquer. Pour cela, exercez-vous, en toutes circonstances, à développer le réflexe mental du “trouver la blague” – ce qui cloche, ce qui dérape, l’absurde… Et, surtout, moquez-vous de vous-même. Enfin, ne prenez pas les philosophes et autres intellectuels trop au sérieux : appelez Schopenhauer “Schoupi”, vous verrez, ça aide. »